Coup de gueule d'Aymé Eyengué, porteur du Salon du Livre de Brazzaville depuis 2013

La Littérature d’Etat, pour des Ecrivains d’Etat, au nom du Congo, nous n’en voulons pas !

L'écrivain Aymé Eyengué

Des Salons du livre qui divisent les Congolais en toute impunité avec des fonds publics, nous n’en voulons pas non plus ! Pourtant, le Congo, nous l’aimons ; nous le chérissons comme son Fleuve, dans toute sa justice, avec tous ses enfants ; tels qu’ils sont, quand ils peuvent tous être réunis, au nom du Congo et/ou de ses villes, peu importent leurs opinions politiques, dans l’esprit du ‘‘Congolais debout, fièrement partout’’, pour célébrer et proclamer haut et fort les valeurs culturelles congolaises urbi et orbi en toute confluence avec les autres, au profit de la Nation et non d’un clan.

Car, Littérature d’Etat, comme Diktat, rime avec Dictature d’Etat.

Ainsi, nous sommes contre, mais foncièrement contre, les ennemis des Congolais, qui se déguisent en amis de la culture et du livre au nom du patrimoine culturel congolais quand on sait qu’ils assassinent au quotidien la Culture et l’Education des masses congolaises avec des crimes économiques énormes doublés de crimes politique et sociétal, comme les violations des libertés et d’expressions plurielles des citoyens, tout en voulant dans le même temps impressionner les étrangers comme par complexe ou par tactique sataniques via un événementiel culturel pour le moins démentiel.

Comment expliquer, sinon, que l’Etat congolais manque de politique culturelle (donc ne mette pas de moyens conséquents pour la Culture et l’Education des Congolais depuis des décennies) et se permette de dépenser des milliards et des milliards comme par coup de baguette magique pour plaire seulement aux étrangers, au nom de la même Culture ; notamment avec un Stand de Livres au Salon du livre de Paris depuis 2009, tout comme il le fit avec un Festival littéraire qui arriva orgueilleusement à Brazzaville en 2013 avec ses gladiateurs, quand on sait que le livre n’est pas à la portée de tous au Congo, et que, de surcroît, depuis 2013, il y a un Salon du livre local devenu international à Brazzaville qui ne bénéficie pas de subventions, même sollicitées ?

Comment expliquer qu’il s’est célébrée en 2013 la fête la plus importante de l’histoire de la Littérature Congolaise à ce jour (la célébration des 60 ans de la Littérature congolaise) sans que les supposés fervents promoteurs du patrimoine culturel congolais n’aient démontré la même ferveur qu’ils mettent à parler au nom du Congo en VIP à l’étranger ? Et, cerise sur le gâteau d’anniversaire, cette célébration, bon an mal an, a consacré un livre anthologie des 60 ans de la Littérature congolaise, qui plus est, sur le thème de l’Union : combien de ces supposés défenseurs du patrimoine culturel en font la promotion ? Allez-y comprendre…

C’est cette hypocrisie d’Etat à la peau dure et tannée que nous avons toujours indexée et combattue et que nous continuerons à combattre avec encre et salive au nom de la justice et de l’équité universelles.

Sans xénophobie aucune, nous avons jamais vu des autorités aussi généreuses que les autorités politiques congolaises envers les étrangers, alors même qu’elles privent de jouissance les Congolais de leur propre patrimoine culturel, et même quelque fois des moyens d’exprimer leurs propres talents, quand bien même ils les auraient nourris à la sueur de leurs propres fronts.

Pour preuve, cette discrimination se matérialise encore, en cette année d’élection présidentielle au Congo, sur les écrivains et artistes congolais invités au stand du Congo au Salon du livre de Paris prévu du 17 au 20 mars 2016, Paris-Porte de Versailles, sur fond d’opinions politiques, selon que l’on est bien noté ou non par les Autorités politiques congolaises (peu importe son talent reconnu par ailleurs). Et c’est bizarre, comme ce stand de livres a toujours fait la part belle aux étrangers plus qu’aux enfants du Congo desquels ils tirent sa fierté !?!

N’est-il pas connu de tous que la charité bien ordonnée commence par soi-même ? C’est à donner raison au Baobab de la pensée panafricaine Aimé CESAIRE qui a dit un jour : « Il est temps de mettre à la raison ces nègres qui croient que la Révolution ça consiste à prendre la place des Blancs et continuer en lieu et place, je veux dire sur le dos des nègres, faire du Blanc. »

Nous ne nous sommes que trop longtemps tus.


Par exemple, nous ne pouvons pas croire un seul instant que toutes les plus belles vitrines de la Culture française ou anglaise soient érigées à l’étranger ; mais c’est ce que les autorités du Congo ont fait, en venant s’implanter au Salon du livre de Paris, juste pour embellir l’apparence et le paraître du Congo alors même que son intérieur est en état de décomposition avancée, que dis-je, un Etat de division, à l’image d’un cadavre à la renverse.

C’est pourquoi, nous dénoncerons encore et toujours, avec la dernière énergie, ces postures mercantilistes, ces impostures et leurs imposteurs, politiques ou littéraires, devenus des mercenaires du livre habillés en peau de culturels. Et nous estimons que les quelques rares écrivains congolais ou étrangers qui n’ont pas boudé leur plaisir personnel d’être présents à cet événementiel culturel au stand du Congo s’érigeront là-bas en porte porte-parole de la masse silencieuse : car « Un art qui ne dérange pas n’est pas de l’art. », a dit Renaud CAMUS dans La Commande Publique.

Nous sommes pour la justice, et non pour les connivences ; pour la diversité culturelle, et non pour la pensée unique. Et, un écrivain, digne de ce nom, ne devrait pas cautionner une Littérature d’Etat, mais plutôt défendre l’état de la Littérature. Car, il ne faudrait pas, par ailleurs, que les aèdes puissent être employés comme des porte-étendards d’un Pouvoir qui cherche une caution morale, au moment d’une élection présidentielle trouble et controversée (après un changement de Constitution et des violations de libertés publiques que des aèdes ont pourtant pourfendu publiquement avec la dernière énergie), sachant que cette vitrine livresque de Paris sert plutôt de parterre de marketing politique à un Pouvoir qu’à l’élévation des citoyens congolais, spécialement pour le cas du Congo à ce Salon.

Autrement, « A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis. », comme Martin LUTHER KING d’ailleurs, qui, en homme de paix et d’union, a dit, « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. » : et de mémoire, un soutien écrivain, comme le fleuve, nous a confié une pensée bien noble , à savoir, « Lorsque l’homme a découvert la vérité et veut opérer la justice, rien ne lui résiste  » ; de même, « Celui qui reste neutre devant une situation d’injustice est du côté de l’oppresseur.  », a souligné le prix Nobel de la Paix, Desmond TUTU.

Oui, il faut bien que la littérature d’Etat soit dénoncée, au nom du peuple bâillonné et floué (notamment avec des prises de position caméléons de certains écrivains de l’Establishment), maintenant que tout se sait, au vu et au su de tous, sur ce que nous avons toujours clamé des années durant pendant que certains compatriotes hypocrites et dangereux détracteurs nous ont calomnié sans savoir grand-chose sur la célébration des 60 ans de la Littérature congolaise (au point de vouloir machiavéliquement nous écarter de nos propres productions intellectuelles et culturelles pour des prébendes qu’ils espéraient de nos bourreaux même dans l’humiliation, à défaut de d’avoir pu nous empêcher de réaliser cette célébration au Congo et ailleurs) et le succès du Salon du livre de Brazzaville, que nous avons réussi à implanter, Dieu sait, à la force du poignet, par passion et non par le calcul opportuniste et égocentrique qui caractérise certains Congolais intéressés, thuriféraires et imposteurs, qui ont toujours courbé l’échine devant les miettes que leur lâchent les monopoleurs insatiables pour toujours faire le lèche-cul ou les salamalecs aux potentats (au point même de combattre l’existence du Salon du livre de Brazzaville, et par-dessus bord de la Culture salutaire, avec la main noire jusqu’à ce jour, mais en vain).

Or, à notre entendement, un écrivain, Fleuvitude oblige, reste un libre penseur qui ne se laisse pas embarquer dans des bateaux ivres débouchant sur des mers mortes. « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire  », stipule aussi une citation apocryphe du Français Voltaire, pour nous garder éveillés en nous rappelant la tolérance et le naturel de l’esprit critique ou des points de vue contraires au sein du vivre-ensemble.

Il nous semble clair, que c’est comme faire un coup d’Etat contre le peuple, dans l’esprit et dans la lettre, que le fait de cautionner en plein 21ème siècle l’existence d’une littérature d’Etat, en lui donnant son blanc-seing ou en lui reconnaissant explicitement ou implicitement un droit de cité : c’est rétrograde, stalinien et d’un autre âge ; voire pire que la Stasi, c’est un coup d’Etat permanent, le viol du peuple.

Qu’à cela ne tienne ! Notre petit doigt nous atteste que la Littérature d’Etat, pour des Ecrivains d’Etat, vit ses dernières heures, à l’image de la pensée unique du Parti-Etat congolais, qui érigea à l’époque un satellite d’Etat rouge nommé UNEAC pour mieux contrôler et censurer les hommes de Culture, en fabriquant des idéologues et écrivains du sérail, des briseurs de rêves, au milieu d’une jeunesse qui ne devrait pas se réveiller mais s’autocensurer, d’une élite qui ne devrait pas se lever mais dire oui-oui, à genoux ou couchée. Seulement, aujourd’hui, ce temps est bien révolu, et ses avatars envoyés aux calendes grecques, pour de bon et pour de vrai, par les temps qui courent…

Si bien que nous pouvons dire, en définitive, que la Littérature d’Etat, pour des Ecrivains d’Etat, est une littérature de deux poids deux mesures, qui est sans lendemain ; comme l’avait bien compris le Prince du Fleuve, le pourfendeur de la censure par excellence au Congo, écrivain visionnaire de son état, l’illustre Sony des deux rives, qui dit un jour « C’est l’Art qui aura le dernier mot. »

Oui, l’Art aura bien le dernier mot, nous en sommes convaincu : car, la Révolution de KINKELIBA est arrivée.

Aimé Eyengué

Docteur en Sciences sociales et diplômé en Sciences Politiques, Aimé EYENGUE est Spécialiste en Modes de vie : il s’intéresse à l’action politique et ses incidences sur le devenir des nations et l’action des peuples sur le devenir de l’action politique. Initiateur de la célébration des 60 ans de la littérature congolaise (1953-2013) et du Salon du livre de Brazzaville depuis 2013, il est auteur de plusieurs ouvrages, dont Le Conseiller du Prince, pour Un Prince de la Paix (L’Harmattan, 2009) et l’Anthologie des 60 ans de la Littérature congolaise – Noces de diamant (dir., L’Harmattan, 2015).

Son dernier livre, Par les temps qui courent, est paru chez L'Harmattan, 2015, 170 pages, 17 €.

Source : Congopage

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